La matrescence désigne les changements physiques et psychiques que vit une femme en devenant mère. Allant bien au-delà des hormones de grossesse ou des fluctuations d’humeur en postpartum, ce changement identitaire a des retentissements sur la vie entière. La métamorphose d’une femme s’accompagne de modifications physiques, émotionnelles, hormonales et cérébrales importantes. Devenir mère est un changement d’identité qui peut être intense. Il est donc intéressant de traverser ces bouleversements en conscience pour mieux les vivre et en retirer tout le potentiel.
La matrescence commence dès la grossesse. Que vous vous sentiez déjà mère, ou que le déclic ne se fasse qu’après la rencontre avec votre bébé, le changement est déjà là. Votre corps se prépare. Certaines modifications sont visibles :
ventre qui s’arrondit ;
vergetures qui apparaissent ;
ligne brune sous le nombril pour certaines ;
seins qui prennent en volume et semblent plus lourds ;
sécrétion de colostrum ;
émotions à la fois explosives, imprévisibles et fugaces ;
inconforts ou douleurs liés aux changements physiologiques.
D’autres changements se font plus discrets :
diminution de la matière grise ;
amélioration de la neuroplasticité (capacité à acquérir de nouvelles compétences) ;
diminution des capacités de mémoire au profit du développement des capacités émotionnelles.
Le post-partum
À la naissance de votre premier enfant, vous entrez dans la période du postpartum. Si le postpartum immédiat (ou 4e trimestre) dure entre 6 et 12 semaines, de récentes études montrent que le postpartum persiste en moyenne 3 ans. Ce détail a son importance quand on sait les changements profonds qui l’accompagnent.
Vous devez dans un premier temps vous acclimater au changement de rythme lié à l’arrivée d’un nouveau-né. Les futurs parents sont prévenus du manque de sommeil et de temps pour soi qui les attend. Vous avez sans doute moins entendu parler de l’épuisement émotionnel qui peut accompagner ce bouleversement. Ce dernier s’explique par plusieurs facteurs :
Un apprentissage du rôle de parent : vécu très différemment selon chaque individu, selon le soutien reçu de l’entourage et l’environnement dans lequel il évolue ;
Des relations en constante évolution : que ce soit avec votre partenaire, votre enfant ou vous-même, les lignes bougent tout le temps. Vos rôles respectifs, vos interactions, vos besoins évoluent très vite et nécessitent des réajustements fréquents ;
Un retour au travail qui suscite de l’enthousiasme ou de l’appréhension : la matrescence s’accompagne souvent d’une remise en question professionnelle, ou au moins d’une redéfinition des priorités pour concilier vie familiale et travail ;
Une métamorphose de la personne que vous étiez : votre identité personnelle se modifie, au fur et à mesure que vous cheminez dans votre maternité. Votre enfant vous fait le plus beau cadeau qui soit : il vous offre l’opportunité de faire réellement connaissance avec vous-même. Cette perte de repère ne se fait pas sans doutes.
Si le postpartum dure 3 ans, la matrescence dure toute la vie. Même si la mise en lumière de ce phénomène est récente, quelques études sont déjà là pour en montrer l’impact.
Ne serait-ce que du point de vue cérébral, la parentalité vous a changée à tout jamais. La nécessité de s’adapter sans cesse aux nouveaux besoins de votre enfant améliore votre plasticité cérébrale. Chaque naissance ajoute de la complexité dans les sollicitations et accroît encore la malléabilité du cerveau. La matrescence aurait les mêmes impacts sur le développement du cerveau que de vivre dans un environnement stimulant et enrichissant intellectuellement. Les chercheurs ont notamment établi la meilleure réserve cérébrale (nombre de neurones et de connexions) des femmes ayant eu des enfants. Cette réserve cérébrale permet d’être moins sujette aux déficits de mémoire à l’âge senior. En résumé, vous avez peut-être extrêmement mal dormi durant quelques années, mais vous battrez tout le monde à Question pour un champion à la maison de retraite !
Cette matrescence s’accompagne très fréquemment d’un chamboulement interne. La plasticité cérébrale peut faire remonter des traumatismes. Elle permet aussi d’envisager la suite de votre existence avec un angle plus large. Beaucoup de femmes entament une réflexion sur elles-mêmes après le grand saut dans la maternité. Endosser ce rôle ne doit pas être un couvercle que vous posez sur votre vie de femme. C’est au contraire un magnifique tremplin pour rencontrer la personne que vous êtes vraiment. Que ce soit entamer une psychothérapie, changer de métier ou tout simplement modifier votre mode de vie pour être plus alignée avec vos valeurs, la maternité est un catalyseur fantastique.
Cette métamorphose est une formidable occasion de booster la compréhension que vous avez de vous-même. Néanmoins, ce changement est souvent vécu difficilement lorsqu’il est sous-estimé, voire nié. La clé pour éviter de passer par une phase de perte de repères totale est de vous appuyer sur quelques leviers.
La première habitude à prendre est de cultiver la compassion envers vous-même. Vous êtes votre première alliée. Ayez un regard doux sur vos erreurs, vos craintes, vos questionnements et vos besoins. Que ce soit votre premier enfant ou le cinquième, c’est la première fois que vous traversez cette matrescence-là. Elle comporte ses propres difficultés. Vous pouvez être une mère expérimentée, chaque maternité veillera à vous challenger sur des sujets différents. Soyez patiente et indulgente : c’est la première fois que vous êtes la mère de cet enfant.
Le deuxième réflexe à prendre est d’établir vos limites. Nous sommes toutes différentes et vous-mêmes allez changer de nombreuses fois au cours de votre matrescence. Ces limites doivent suivre l’évolution de vos besoins. Cela peut paraître contre-intuitif, mais faites-vous passer en premier autant que possible. Sollicitez votre partenaire et des personnes de confiance pour vous octroyer des moments de décompression. Osez vous affirmer lorsque quelque chose ne vous convient pas. Et n’oubliez pas le conseil numéro 1 : posez un regard tendre sur vous-même. Pas besoin de culpabiliser d’avoir laissé faire quelque chose qui vous déplaisait. Laissez-vous le temps d’évoluer.
Troisième point important : concentrez-vous sur vos besoins. Apprenez à les identifier, les nommer, les assouvir. Demandez clairement ce qui vous aiderait. Il en va de même pour vos émotions. Elles ont toutes leur place dans votre vie de femme. La maternité en aura exacerbé certaines. C’est l’occasion de les écouter. Chaque émotion et chaque besoin sont là pour vous apprendre quelque chose. Même un moment désagréable vous enrichit d’un apprentissage. Engrangez tout ce que vous pouvez pour connaître chaque jour un peu plus votre fonctionnement.
On compare souvent les bouleversements vécus lors de la matrescence à ceux de l’adolescence. Si les problèmes posés ne sont pas toujours les mêmes, l’ampleur du changement qui s’effectue est du même ordre. Si vous vous souvenez de la solitude et du désemparement de votre adolescence, vous comprendrez aisément pourquoi il peut être important de s’entourer.
Si vous souhaitez avancer seule et à votre rythme, vous trouverez de nombreux livres, articles de blog et podcasts sur la maternité consciente et le développement personnel. Nourrissez-vous de tout cela sans chercher de méthode miracle. Ne gardez que ce qui vous parle et vous fait du bien.
Cette refonte de votre personnalité peut aussi vous mener vers les pratiques de bien-être : méditation, pleine conscience, exercice physique, journaling, miracle morning, etc. Trouvez les activités qui vous correspondent, sans vous contraindre. L’objectif n’est pas d’être la mère la plus épanouie du monde mais d’être chaque jour un peu plus à l’écoute de vous-même.
Pour contrer l’isolement dans lequel on peut rapidement se retrouver, chercher les groupes de soutien pour les parents près de chez vous. Si vous rencontrez une problématique précise, cela peut être une association sur cette thématique. Vous pouvez aussi tout simplement aller à des cafés parents ou autres initiatives du genre pour sociabiliser. Cela vous offrira un sas pour discuter des difficultés du quotidien avec des parents qui vous comprennent.
Enfin, n’oubliez pas l’apport que peut représenter une thérapie et des conseils de professionnels dans le processus du devenir mère et du changement d’identité qui l’accompagne. La matrescence est un bon moment pour entamer un suivi psychologique et creuser les changements que vous vivez. Les coachs parentaux permettent également de traverser des phases avec un soutien supplémentaire. Que vous soyez inconfortable dans votre situation professionnelle ou bien désarçonnée par les tempêtes de votre bambin, ils sont une aide précieuse.
La matrescence est une formidable opportunité si vous arrivez à la vivre en conscience. Elle est l’occasion de cheminer dans l’affirmation de vous-même. Veillez simplement à vous observer avec empathie et gratitude. Chaque matrescence est différente et se vit de façon unique. Pour nourrir cette bienveillance, lisez notre article sur la culpabilité maternelle et apprenez à vous en libérer.